Le 26 mai 2015, nous avons eu une rencontre avec Dre.Colette D.Lachaîne, directrice nationale des soins préhospitaliers du Québec et avec le ministère de la Santé et des Services sociaux. Le but de cette rencontre était de faire le point sur les travaux relatifs aux soins avancés pour les techniciens ambulanciers-paramédicaux du Québec.
Depuis 1991, des débats relatifs à l’implantation de soins avancés se tiennent. Ici, tout d’abord, la question suivante s’impose : que veut-on dire par soins avancés préhospitaliers? Pour bien répondre à cette question, il faut comprendre quels sont les différents niveaux de pratique en matière de soins de base. Au dire de la docteure Lachaîne, le chemin semble avoir été laborieux et difficile pour nos valeureux techniciens ambulanciers-paramédicaux impliqués dans cette démarche d’implantation. En effet, cela aura été ardu pour les SPU, compte tenu de l’instauration d’un cadre légal et du projet-pilote de moniteurs défibrillateurs vivement contesté par certains cardiologues, mais finalement instauré, pour la première fois, en 1991, dans la région de la Montérégie. À cette époque, l’utilisation de moniteurs défibrillateurs, alors considérée tel un geste médical, était sous la haute surveillance du directeur médical qui devait réviser chacune des interventions. Un rapport annuel devait obligatoirement être remis au Collège des médecins (CDM) Nul besoin de dire que certains médecins voyaient l’autorisation d’utiliser cet équipement médical telle une perte au niveau de leur pratique professionnelle. Il nous semble juste de croire que la motivation des médecins derrière ce débat était davantage d’ordre financier. Ces médecins ne priorisaient pas la qualité et la rapidité des soins prodigués aux patients.
En 2004, Philippe Couillard, premier ministre actuel, a tenté de faire la lumière sur les soins avancés prodigués par les techniciens ambulanciers-paramédicaux par le biais d’une étude qui visait à évaluer la pertinence de cette avancée. L’Agence d’évaluation des technologies et des modes d’intervention en santé (AETMIS) a été mandatée pour accomplir cette tâche. Voici un extrait des recommandations globales émises en avril 2015 dans le document intitulé : Introduction des soins médicaux avancés dans les services préhospitaliers d’urgence au Québec.
L’examen des données scientifiques mène à quatre constatations principales. Premièrement, les données actuelles sont insuffisantes pour justifier un déploiement généralisé des soins avancés préhospitaliers dans l’ensemble du Québec. Par contre, des données préliminaires montrent que les soins avancés pourraient avoir un effet bénéfique, particulièrement dans les cas de détresse respiratoire et de douleurs thoraciques d’origine cardiaque. Les quelques données disponibles indiquent que les soins avancés n’offrent aucun avantage ou désavantage quant à la mortalité ou à la morbidité des patients en arrêt cardiorespiratoire d’origine non traumatique, mais l’hypothèse de leur potentiel bénéfique reste plausible. Enfin, les données indiquent que les soins avancés sont associés à des effets néfastes dans certaines circonstances, notamment l’intubation endotrachéale de jeunes enfants et le traitement des traumatismes. À la lumière de ces résultats et en fonction des développements en cours ainsi que des conditions particulières du contexte québécois, l’AETMIS recommande pour le moment un déploiement limité des soins avancés au Québec, dans le cadre de projets pilotes dûment évalués, donnant priorité aux traitements de la détresse respiratoire, des douleurs thoraciques et de l’arrêt cardiorespiratoire. L’AETMIS recommande aussi un ensemble de mesures visant l’optimisation des soins préhospitaliers de base et de la chaîne de survie dans l’ensemble du Québec, notamment par le rehaussement de la formation des techniciens ambulanciers.
Ce document a orienté ces grandes étapes vécues dans le système préhospitalier d’urgence (SPU) du Québec :
- Rehaussement des compétences en soins de base;
- Disponibilité de moniteurs défibrillateurs pour les premiers répondants dans les villes et les villages de la province. Nous disposons aujourd’hui d’une flotte de 320 services de premiers répondants sur l’ensemble du territoire;
- Assurance qualité via la formation continue;
- Rehaussement de la formation des étudiants (diplôme collégial obligatoire pour tous les finissants);
- Lecture de la littérature médicale en lien avec la profession présentement exercée.
Ce ne sont que quelques exemples de recommandations appliquées aujourd’hui. Il y a eu, au fil des années, plusieurs ratées sur le plan de la formation continue et, bien souvent, vous en avez été les cobayes. N’oublions toutefois pas que le chemin parcouru est toutefois fort encourageant et enrichissant!
Un groupe de travail interdisciplinaire a été créé par le premier ministre Philippe Couillard pour identifier les niveaux de pratique des soins de base et des soins avancés et la formation universitaire. À la suite de la détermination des soins prodigués, un règlement a été adopté par l’Assemblée nationale du Québec. Celui-ci, intitulé Le Règlement sur les activités professionnelles pouvant être exercées dans le cadre des services et soins préhospitaliers d’urgence, présente ces gestes médicaux permis:
- évaluer la condition d’une personne;
- administrer les substances et les médicaments requis par voie intraveineuse ou endotrachéale;
- procéder à une laryngoscopie directe de la personne dont les voies respiratoires sont obstruées par un corps étranger et procéder au retrait de celui-ci;
- pratiquer une défibrillation manuelle.
Le technicien ambulancier peut également, dans le cadre d’un projet de recherche visant l’évaluation des soins préhospitaliers avancés, procéder à l’intubation endotrachéale de la personne adulte présentant un arrêt cardiorespiratoire ou une atteinte de l’état de conscience. Également, en soins avancés, il peut, outre les activités déterminées aux sections précédentes et à la suite d’une ordonnance individuelle :
- installer un soluté par voie intraosseuse et administrer les substances ou les médicaments requis;
- utiliser les techniques effractives suivantes:
- effectuer une thoracocentèse à l’aide d’une technique à l’aiguille chez le patient dans un état préterminal, sous assistance ventilatoire;
- appliquer une stimulation cardiaque externe;
- appliquer une cardioversion;
- effectuer une cricothyroïdotomie percutanée.
L’évaluation de tous ces gestes médicaux par essais cliniques pouvait maintenant avoir lieu. Afin d’avoir une véritable exposition clinique, le bassin de population nécessitant une intervention en soins avancés devait être large et représentatif. L’île de Montréal/Laval était donc tout indiquée. Le CDM a reçu des rapports puisque les protocoles sont considérés comme des actes médicaux. Des ententes ont dû être conclues avec la Régie de l’assurance maladie du Québec.
- Formation universitaire.
Étant donnée l’absence d’un modèle d’études universitaires en soins avancés, il a été difficile de développer le parcours de formation qui dicte les cadres de formation et les procédures de reprise et d’obtenir l’acceptation finale de la part de l’Université de Montréal. Pour l’instant, cette université est la seule à offrir la formation.
Qui peut s’inscrire en soins avancés à l’Université de Montréal?
Tout technicien ambulanciers-paramédicaux qui exerce présentement cette profession ou tout élève diplômé possédant 24 mois d’expérience de travail à temps plein. Il n’est pas nécessaire d’avoir un DEC pour accéder à la formation universitaire. Par contre, seule la corporation Urgences-Santé embauchera des soins avancés pour l’instant. Une cohorte annuelle de 20 étudiants amorcera la formation prochainement. Le programme s’échelonne sur 4 sessions à temps complet (soit soixante (60) crédits).
- Ce qui reste à faire
L’acceptation finale du CDM pour les protocoles intervention, le financement du programme universitaire ainsi que le financement du déploiement des ressources terrain pour urgence santé restent à faire. Pour l’instant, le nombre total de techniciens ambulanciers-paramédicaux en soins avancés est indéterminé. L’évaluation de la pertinence du service et du déploiement sur le reste du territoire québécois constitue une étape à réaliser prochainement.
Bref, avant de voir ce type de service dans les régions de Québec, soient celles de Chaudière-Appalaches et de l’Estrie, beaucoup de travail reste à accomplir. Bien entendu, cela nécessitera encore beaucoup de temps. Nous suivrons de près l’évolution de ces travaux et nous vous en tiendrons informés.
Mythe ou réalité pour notre région? Bien malin celui qui pourra faire cette prédiction audacieuse!
Votre équipe TASBI